Si le CGP a toujours été un sachant, ce n’est que plus récemment qu’il a endossé pleinement son statut d’entrepreneur. Tout l’y a poussé ces dernières années : l’obligation de conformité, la nécessité de communiquer, le besoin de se développer, l’intensification de la concurrence… Et si de stratégie patrimoniale à stratégie d’entreprise, il n’y avait finalement qu’un pas ? Quid de l’impact client dans tout ça ?
Face à l’hyperconcentration du marché, la croissance organique comme cheval de bataille !
A l’origine, la passion. Celle d’un professionnel du patrimoine pour le conseil, la dualité de la technique et de la relation humaine, le sens du travail bien fait et de la reconnaissance client. Orfèvre, architecte, ou encore médecin, sont les images reprises régulièrement pour qualifier ses compétences. Il se rêve artisan pour faire connaître son savoir-faire et élargir son offre. Mais pourquoi exercer seul finalement ? "Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin" dit le proverbe africain. Lui vient alors l’idée de dépasser l’image du consultant indépendant, d’entreprendre en s’associant et/ou en embauchant pour bénéficier de la force d’un collectif et accélérer sa croissance. Et après ? Qu’y a-t-il d’autre derrière le mur ? Quelques entrepreneurs de génie qui se reconnaîtront et auraient tout aussi bien réussi dans un autre secteur. Ceux-là, nous avons la chance de les suivre car ils renforcent la notoriété de notre profession qui en a bien besoin. Par leur talent, leur énergie et les moyens qu’ils mettent en oeuvre, ils ont fini par attirer les fonds d’investissement qui ont vu, dans ce secteur jusqu’alors méconnu, l’attrait de la récurrence, celle d’une relation client solide, construite sur la durée et fondée sur l’intuitu personæ. Mais pour les 99 % restants, quelles perspectives, quels choix possibles, quelle stratégie ? Pour cela, il faut revenir à la source et se demander ce que recherchent nos clients. Avant tout, le conseil, la disponibilité, l’expérience et une forte réactivité. Mais aussi un interlocuteur proche et présent dans la durée. L’oublier serait une erreur. En contrepartie de quoi, ils sont prêts à cofinancer cette prestation par le versement d’honoraires – que complètent les commissions perçues de la distribution de solutions sur mesure –, mais aussi à accepter que leur conseiller se structure pour gagner en agilité par l’intervention coordonnée d’une équipe pluridisciplinaire. En résumé, ils sont prêts à l’évolution mais sans le changement. "Je vous souhaite de bien grandir mais surtout ne changez pas !" déclarait une cliente appelée à s’exprimer pour les dix ans de notre cabinet. Message bien reçu.
Grandir sans changer, un défi sous contrainte passionnant !
Pour évoluer, prendre le chemin de la croissance externe, historiquement coûteux mais efficace, semble la voie royale. Mais comment conserver l’ADN d’un cabinet à travers un nouvel actionnaire ? D’autant que les multiples de valorisation ont littéralement flambé ces dernières années et que les enjeux de la conformité client sont parfois lourds lors d’une reprise. Ou bien alors créer une franchise pour développer un concept innovant ? Se pose alors la question de la transmission des valeurs fortes de nos entreprises de conseil. Plutôt compliqué, en toute franchise ! Tant et si bien que la croissance organique par emprunt, parfois négligée, apparaît comme la solution ad hoc, à condition de savoir se structurer afin d’assurer un développement maîtrisé de son entreprise. Telle fut d’ailleurs la conclusion d’une société de fusion-acquisition spécialisée dans notre marché, au terme de sa visite dans nos locaux : "Vous n’avez pas besoin de nous pour grandir. Votre banque saura parfaitement financer votre croissance."
"Il y a cinq ans, on comptait sur le marché des CGP 70 % d’artistes, 20 % d’artisans, 9 % d’entrepreneurs et moins de 1% d’entreprises"
D’un côté, grandir signifie davantage de conseillers. De l’autre, ne pas changer suppose de rester une entité à taille humaine. Ainsi, grandir sans changer semble nous mener tout droit vers une impasse. A priori, seulement. Finarena Gestion Privée existe depuis douze ans maintenant. Notre modèle de rémunération par honoraires, avant-gardiste à l’époque et parfois encore maintenant, est motivé par la nécessité d’accorder du temps à nos clients patrimoniaux pour leur assurer un suivi de qualité dans la durée. Longtemps, j’ai vécu avec l’idée que notre approche globale dans le conseil, notre architecture ouverte en matière de solutions, la structuration même de nos services, fondée sur une assistance forte, méritaient d’être davantage connues. Lorsque je me confiais à des partenaires à l’écoute, c’était à vrai dire mon seul regret, celui d’avoir construit une organisation tout entière sans pouvoir la faire rayonner dans d’autres territoires. La solution, tellement classique dans d’autres métiers de la distribution mais si rare dans notre profession, viendra d’elle-même, avec le temps : reproduire, rebâtir, reconstruire, en somme renaître !
Une création d’agence ex nihilo comme cure de jouvence
Réaliser un business plan, recruter et accompagner une équipe qualifiée sont autant d’enjeux qu’un jeune CGP ne connaît pas, démarrant le plus souvent seul et sans financement. Pouvoir convaincre sur un projet, transmettre ses connaissances, son expérience, son savoir-faire, ses relations, donner de son temps aux autres. Comme un retour sur investissement. Tout prend sens, dans le passage de témoin à un directeur expérimenté. Soudés à la manière d’une start-up, avec la solidité financière de l’agence historique de Nantes, nous abordons la création de cette nouvelle agence avec enthousiasme. Un vent nouveau souffle sur Guérande, pour une "aventure Finarena" qui ne manque pas de sel. Il n’est pas exagéré de dire que la principale difficulté pour monter une entreprise est de trouver le mode d’emploi. Ainsi, dupliquer un modèle établi semble apporter un certain confort. Le reste ressemble à une cerise sur le gâteau : conseil patrimonial, expérience humaine, accompagnement des familles, tout ce qui fait notre passion immodérée pour ce métier et nous apporte tant de reconnaissance au quotidien de la part de nos clients. Bien sûr, l’enjeu reste de taille puisqu’il s’agit de faire valoir sa différence dans un nouveau territoire, qui ne vous a pas attendu pour se développer. Si l’humilité reste de mise, l’expérience métier et la connaissance du terrain semblent des atouts précieux pour poursuivre le développement de notre cabinet. Des collaborateurs confirmés, des partenaires disponibles, une communauté bienveillante de confrères et fonctions supports baptisée InComon (jeu de mots entre le mot anglais income et l’expression en commun), des logiciels métiers efficaces tels que MustCompliance, Simulabox, Kwiper, ou encore Odonatech, et une famille en or, viennent compléter le dispositif pour continuer à entreprendre dans les meilleures conditions. Je terminerais sur une citation inspirante de Mark Twain pour nous inciter à entreprendre : "Dans vingt ans, vous serez plus déçus par les choses que vous n’avez pas faites que par celles que vous avez faites. Alors sortez des sentiers battus. Mettez les voiles. Explorez, rêvez, découvrez. "
Sur l'auteur
Après avoir accompagné, pour le compte d’un institutionnel, des dirigeants dans le développement de leur entreprise et de leur patrimoine de 1998 à 2011, Yvan Boutier a créé sur Nantes il y a douze ans le family office Finarena Gestion Privée, fondé sur un suivi dans la durée d’entrepreneurs et clients patrimoniaux. Il vient de fonder cette année ex nihilo une nouvelle agence de gestion privée sur la presqu’île de Guérande.
