De la dimension fiscale à la gouvernance, en passant par la question de l'indivision, chaque aspect de la transmission familiale revêt une importance cruciale et doit être anticipé. Les testaments, les avantages matrimoniaux, les clauses bénéficiaires et les donations-partages transgénérationnelles s'avèrent être des outils essentiels dans cette démarche. Bastien Baron, fondateur de Justae, revient sur les spécificités de cet accompagnement.

Décideurs. Quels sont les enjeux derrière la transmission ?

 

Bastien Baron. La gouvernance et la question des modes de détention (démembrement, indivision…) sont des problématiques importantes qu’il faut anticiper. Il est en effet compliqué de parvenir à un accord pour sortir d'une indivision, de se racheter des parts, ou de défaire certains schémas de propriété partagée. D'un point de vue fiscal, il existe également des frottements et des charges non négligeables, qui peuvent être évités avec de l’anticipation et un bon conseil autour de soi. Ce serait dommage de s’en priver. Les situations de remariages et de familles recomposées sont aussi de plus en plus fréquentes, et complexifient les conséquences d’un décès. La rédaction de testaments et l’instauration d’avantages matrimoniaux sont judicieuses, en amont, pour acter la future répartition des biens et capitaux, et éviter toute contrainte ou litige ultérieur.

"La communication entre les différentes générations est globalement insuffisante, ce qui peut entraîner des difficultés à organiser la transmission de manière harmonieuse"

Nous constatons que la communication entre les différentes générations est globalement insuffisante, ce qui peut entraîner des difficultés à organiser la transmission de manière harmonieuse et conduit bien souvent à ne pas l’organiser du tout. Malheureusement, c’est le meilleur moyen de voir survenir des conflits post-décès. Il est donc essentiel d'engager des discussions, le plus tôt possible, paradoxalement lorsque tout va bien, que ce sujet paraît lointain et que les protagonistes sont désintéressés.

 
Suivant cet objectif de transmission, avez-vous eu l'opportunité de réaliser des donations-partages transgénérationnelles ?
 

Oui, tout à fait, l’objectif de ce schéma est de transmettre directement des biens aux petits-enfants, sans passer par la génération intermédiaire, mais en ayant bien sûr leur accord. Nous sommes ici dans des situations où les enfants ont déjà constitué un patrimoine confortable, tandis que les petits-enfants peuvent avoir besoin d'une aide précieuse pour bâtir leurs projets de vie. Après avoir abordé ce montage avec plusieurs familles que nous accompagnons, il ressort qu’il est vraiment intéressant et bénéfique pour les trois générations d’avoir un tiers de confiance, un conseil de famille, auprès d’elles. Nous avons la capacité de comprendre leurs relations familiales tout en vulgarisant un sujet souvent délicat à aborder en interne. Ces discussions, uniquement consacrées à du conseil, ont grandement renforcé nos relations avec les différentes générations des familles en question.

Quelles sont les particularités de la donation-partage transgénérationnelle avec réincorporation ?
 

Un exemple concret qui me vient à l'esprit porte sur un client qui a reçu des parts de SCI par donation de ses parents et qui n’a pas la nécessité d’en détenir la pleine propriété. En l’occurrence, la SCI détient uniquement une résidence secondaire, qui est dans la famille depuis plusieurs générations et qui a vocation à y rester. Dans de tels cas, il est envisageable de sauter une génération, permettant ainsi de minimiser les frottements fiscaux futurs. Les donations-partages transgénérationnelles permettent en effet de bénéficier d'un gain fiscal considérable en réincorporant des donations précédemment réalisées :

- Si la donation réincorporée a été réalisée il y a plus de 15 ans, seuls les droits de partage de 2,5% seront dus ;
- Si la donation réincorporée a moins de 15 ans, les droits de donation classiques en fonction du lien de parenté entre donateur (grand-parent) et donataire (petit-enfant) seront dus, mais les droits payés lors de la donation initiale viendront en déduction.
 

Point important, contrairement au droit de partage, les droits de donation peuvent être pris en charge par le donateur sans que cela ne constitue fiscalement une donation supplémentaire. Nous sommes souvent moteurs sur ce type de dispositifs encore trop méconnus, et nous travaillons ensuite en interprofessionnalité avec des notaires afin de fournir un accompagnement complet et sur mesure à nos clients.

Le testament prend-il également tout son sens dans les stratégies patrimoniales familiales ?
 

Absolument ! Nous avons par exemple récemment été confrontés à une situation où la rédaction d'un testament s'est avérée être un très bon conseil pour une famille que nous accompagnons. Dans ce cas précis, nous avons réalisé une analyse successorale du patrimoine de la mère (nonagénaire, veuve) d’un fils unique. Il est ressorti de notre étude qu’il serait un jour redevable d'une imposition de 40 % sur une quote-part importante de ce futur héritage. Nous avons alors pu mettre en place une stratégie testamentaire afin de transmettre directement une partie du patrimoine aux petites-filles, qui se trouveront dans une tranche d'imposition bien moins élevée le moment venu.

"Quelques milliers d’euros d’honoraires de conseil pour une future économie de droits de succession de plus de 100 000 euros"

Rappelons qu’à défaut de testament celles-ci n’étaient pas vouées à hériter de leur grand-mère. Encore une fois, les discussions intergénérationnelles ont été bénéfiques et très appréciées : une grand-mère satisfaite de savoir qu’une partie de son patrimoine aidera ses petites-filles à démarrer dans la vie, un fils pas mécontent de voir une future facture fiscale s’alléger, et des petites-filles responsabilisées sur le sujet. Au final, quelques milliers d’euros d’honoraires de conseil pour une future économie de droits de succession de plus de 100 000 euros.

Et concernant le contrat d’assurance-vie ?
 

La clause bénéficiaire d'un contrat d’assurance-vie peut être considérée comme un testament à bien des égards. Nous observons par ailleurs une lacune récurrente dans sa rédaction, car la représentation n’est pas automatique en assurance-vie et doit donc être prévue pour pouvoir s’appliquer. Prenons l'exemple d'un assuré ayant plusieurs enfants bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie, dont l'un d'entre eux, suite au décès de son parent, renonce à ses droits sur le capital décès lui revenant, en espérant en faire bénéficier ses propres enfants. Si la représentation pour cause de renonciation n’est pas prévue, ce sont ses frères et sœurs qui percevront sa part, et non ses propres enfants (ce qui est pourtant souvent une bonne stratégie !). Nous révisons donc systématiquement les clauses bénéficiaires des contrats d’assurance-vie de nos clients, et plus spécifiquement celles des plus âgés qui disposent parfois de contrats très anciens avec des clauses bénéficiaires qui ne sont plus adaptées.

 

Il est donc essentiel de repenser les clauses bénéficiaires ?

Exactement. En offrant des possibilités plus étendues et en clarifiant les droits de chacun, nous favorisons une transmission patrimoniale fluide et adaptée aux futures situations et volontés de chaque bénéficiaire, indépendamment des autres. Il est bon de rappeler que l’assurance-vie dénouée par décès est hors succession et que les options au sein de la succession sont bien plus limitées puisque les héritiers ne peuvent que l'accepter ou la refuser, à chaque fois dans son intégralité (sauf dans certains cas où le conjoint survivant a la possibilité de cantonner). L’assurance-vie offre une flexibilité précieuse : elle permet de prévoir une répartition différente du capital décès, pour chaque contrat, distinctement.

Bien rédigées, les clauses bénéficiaires permettent de renoncer à un contrat spécifique sans impacter l'ensemble des contrats ni la succession. Cette particularité se révèle importante lorsqu'il s'agit d'optimiser la transmission patrimoniale, en anticipant différentes hypothèses et en laissant par exemple la possibilité au conjoint survivant de renoncer selon la situation dans laquelle il se trouvera le moment venu, puis à chacun des enfants de renoncer à son tour s’il le souhaite, pour sa propre part et pour ses propres enfants. Une transmission réussie demande finalement de l’anticipation, de la communication, et une capacité à adapter sa stratégie en fonction de plusieurs facteurs : l’évolution de la situation et des objectifs de la famille, mais aussi l’évolution de l’environnement extérieur (lois, fiscalité, réformes).

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